La Marche, la vie. Solitaire ou solidaire, ce geste fondateur de André Rauch
Promenades, randonnées, exodes, pèlerinages, manifs, errances : quel lien mystérieux unit les hommes, seuls ou en groupe, à ce geste qui leur est propre ? Selon quels rites, quels rythmes ? Sans soutien ni béquille, la marche véhicule un sentiment de liberté. Ou du moins d’indépendance. Dégagé de toute contrainte, le marcheur solitaire refuse l’itinéraire qu’il n’aurait pas choisi. Vagabonder en silence reste le seul privilège de cet animal singulier qui a l’orgueil de se tenir debout. Les gourmandises de l’éphémère inspirent la marche buissonnière. Au-delà de la simple balade dominicale, le rapport à la nature crée l’aventure intérieure qui se partage. Aujourd’hui, les nouveaux pèlerins ne se dirigent plus nécessairement vers Saint-Jacques-de-Compostelle pour communier. Confrontés aux éléments, les voilà donc adeptes d’une autre spiritualité. A mi-chemin entre la thérapie de groupe et l’exploit sportif, les individus se rapprochent à la force du mollet. Comme autrefois l’Alsace entière talonnait ses sportifs enragés sur la route du Paris-Strasbourg, l’expédition ou la randonnée pédestre ravivent le sentiment communautaire. Mais la performance tient aussi à la manifestation d’une révolte. Cette marche-là porte tout le poids des masses mobilisées : elle intervient lorsque le temps de la parole est révolu. Mao, Gandhi, Martin Luther King… tous ces conquérants de la mémoire l’ont bien compris. Et si entre résistance et soumission, solitude et société, la marche dessinait simplement le geste sur lequel se fonde notre mémoire ?