INTERVIEW « EN CHEMIN »
– D’où vous était venue il y a 15 ans cette idée de proposer un accompagnement « en marchant », « en chemin » ?
Je l’avais vécu moi-même! Puis je me suis dans un premier temps intéressé à reprendre une vieille idée… Ainsi, Socrate, au Vème siècle avant notre ère, pratiquait-il déjà la maïeutique dans la rue, notamment sur le chemin conduisant à l’Assemblée ! Plus proche de nous, le psychiatre Jung accompagnait certains de ses patients dans le parc entourant l’hôpital psy. Freud lui-même a conduit plusieurs analyses dites « brèves » en déambulant dans les rues de Vienne.
– Comparée à l’accompagnement en cabinet, en salle, qu’apporte la marche ?
J’ai remarqué que la marche est un réel stimulant pour l’expression orale, en particulier pour les hommes. Surtout, s’engager dans ce type de démarche, c’est accepter de sortir d’un lieu sécurisant, à l’abri du monde extérieur. C’est accepter de quitter un environnement connu. Les « rôles » sont remis à plat! Pour terminer, marcher, c’est mettre le corps en mouvement et, du coup, y être davantage attentif. Or, le corps est un outil précieux pour avancer vers soi. Et puis, le chemin lui-même donne du sens, a du sens…
– On entend souvent qu’une thérapie ou un coaching se fait en face à face. Comment cela est-il possible en marchant ?
C’est vrai, accompagner en marchant paraît parfois transgressif autant pour les accompagnants que pour ceux qu’ils accompagnent. Évidemment, lorsqu’on avance, c’est côte à côte. Je me positionnais même parfois légèrement en retrait, afin de laisser tout le champ de vision et de réflexion à la personne. Mais le travail en face à face restait bien sûr possible, notamment pendant les pauses ou des phases collectives, ou à la demande lorsqu’une émotion particulière ou une prise de conscience se présentent.
Enfin je crois pouvoir affirmer qu’il existait une complémentarité fructueuse à faire co-exister les deux!
– Vous évoquez le « sens » du chemin. Qu’entendez-vous par là ?
La construction d’un parcours géographique peut avoir du sens en lui-même. Ainsi, pour un travail sur le passage à la retraite, nous pouvions terminer le parcours dans un lieu- dit baptisé « La Retraite »… Ou pour un autre thème, comme « L’Espoir », ou « Le But ». Oui, cela existe. J’ai collaboré étroitement avec Olivier Lemire, un guide et écrivain-voyageur, spécialisé dans l’élaboration de tels types de randonnées. Mais au delà de l’aspect « physique », le chemin prend surtout du sens à travers ce qu’en vivent ceux qui le parcourent. Ainsi, après un ou deux jours de marche, des dynamiques psychologiques s’engagent, des questionnements (pourquoi suis-je parti de chez moi ? qu’est-ce que je fais là ? etc). D’autre part, le corps et les sens, tous les sens, sont en éveil, à la recherche de repères, dans une forme de « vide fertile».
– Partir sur les chemins, cela peut sembler efficace… Mais si je veux m’arrêter ?
Le cadre que je proposais était clair : la personne pouvait s’arrêter à n’importe quel moment. Bien entendu, je la questionnais, la confrontais, l’amenais à s’interroger sur la question des limites et sur le sens de ce blocage. Mon rôle, dans ce contexte, était de soutenir, d’accompagner la personne dans la recherche de ses ressources, d’une motivation. Et le groupe lui aussi jouait un rôle soutenant. Mais si la personne persistait dans son désir, il existait toujours un moyen assez simple pour organiser son départ dans de bonnes conditions.
– Au-delà de la dimension psychologique, il y a aussi le corps, ses limites, la météo…
En accompagnement individuel, si la personne ne souhaitais pas affronter la pluie, le froid ou la canicule, nous restions dans le cabinet. En groupe, sur plusieurs jours, c’est différent… Si les conditions sont difficiles, le travail à l’extérieur est très confrontant. L’attention au corps est renforcée, les échanges deviennent plus impliqués, moins verbeux. Et j’ai remarqué qu’une fois la période d’adaptation passée, on me rapporte souvent une certaine joie à se retrouver comme cela, dehors, dans des conditions difficiles et à en faire l’expérience en pleine conscience. C’est aussi cela le chemin.
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